Le Coran

Comme sur d'autres thèmes, l'enseignement coranique concernant les femmes est dispersé dans plusieurs sourates, et pas seulement dans le livre des Femmes. On le trouve aussi bien dans La génisse que dans La Lumière ou Le divorce.

Il s'en dégage toutefois quelques grands principes et quelques règles de conduite. Premier principe : « Les hommes ont la prééminence sur les femmes »180. Second principe : la vocation des femmes est le mariage, la procréation et la satisfaction des désirs des hommes. « Le mariage est la moitié de la religion ». « Mariez les célibataires d'entre vous »181. « Vos femmes sont un vêtement pour vous, et vous êtes le leur. Voyez vos femmes dans le désir de recueillir les fruits qui vous sont réservés »182. Ainsi, la femme est-elle faite pour l'homme. Et El Ghazali a commenté crûment ces versets. Pour lui, le plaisir sexuel que les femmes procurent est pour l'homme « le délassement qui chasse la tristesse et repose le coeur. »

De ces deux principes découlent logiquement quelques prescriptions essentielles.

C'est, en premier lieu, l'importance de la virginité, trésor réservé au futur époux à qui sont destinées « des femmes exemptes de la souillure »183. Dans cette intention, Allah a créé « les vierges du Paradis pour une création à part. Nous avons conservé leur virginité ». Le « Beau Modèle » en est Maryam (Marie), la Mère de Nissa (Jésus), « Celle qui a conservé sa virginité »184. La virginité féminine est d'un tel prix que, selon la tradition, une fille vierge va directement au Paradis; et que les « vierges au regard modeste », « des houris aux grands yeux noirs, semblables aux vraies perles » seront la récompense de (la) foi des musulmans 185.

Cette virginité, à préserver avec vigilance, la fille doit la défendre par un vêtement décent et une attitude réservée. « Commande aux femmes qui croient de baisser leurs yeux et d'observer leur contenance sans laisser voir de leurs ornements que ce qui est à l'extérieur, de couvrir leurs seins d'un voile ». « Si vous voulez demander quelque chose aux femmes du prophète, demandez-le à travers un voile. »

Ce comportement doit demeurer celui de la femme mariée. « Les femmes vertueuses et obéissantes sont soumises ; elles conservent soigneusement pendant l'absence du mari ce que Dieu leur a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous avez à craindre la désobéissance; vous les relèguerez dans les lits à part, vous les battrez, mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. »186 Et encore : « O Prophète ! prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants d'abaisser un voile sur le visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes »187.

Cependant, le Coran adoucit parfois les règles en vigueur. Il restreint la polygamie. « Si vous craignez d'être injuste, n'épousez que peu de femmes, conseille-t-il, deux ou trois, ou quatre parmi celles qui vous auront plu. Si vous craignez encore d'être injustes, n'en épousez qu'une seule, ou une esclave. Cette conduite vous aidera plus facilement à être juste. »188. Et même, avec clairvoyance et peut-être une pointe de malice, il ajoute : «Vous ne pouvez jamais traiter également toutes vos femmes, quand même vous le désirez ardemment. » 189

De même, il codifie la répudiation. Il invite à réfléchir avant de prononcer la phrase fatale : « Tu es répudiée ». Il est en effet averti qu'il ne pourra reprendre sa femme « avant que le second ne goûte son petit miel comme l'avait goûté le premier »190. - C'est-à-dire, si elle a consommé une seconde union. La femme peut, elle-même, demander le divorce si son époux l'a abandonnée plus de quatre mois. « Ceux qui font vœu de s'abstenir de leurs femmes auront un délai de quatre mois. Si pendant ce temps (toutefois) ils reviennent à elles, Dieu est indulgent et miséricordieux »191. Autrement dit, la demande de divorce n'aura plus lieu d'être !

Quoi qu'il en soit, recommande Allah dans le Coran, « Soyez honnêtes dans vos procédés à leur égard. Laissez-lui la dot entière. Voudriez-vous la lui ravir après avoir cohabité avec elle, et après qu'elle a reçu votre foi ? » 192 Et encore : « Gardez-vous votre femme ? Traitez la honnêtement. La renvoyez-vous ? Renvoyez la avec générosité. Il ne vous est pas permis de garder ce que vous lui avez donné »193. Ce don, le douaire, est prescrit pour le mariage. « Il vous est permis de vous procurer avec de l'argent des épouses que vous maintiendrez dans les bonnes nœurs et en évitant la débauche. Donnez à celle avec laquelle vous aurez cohabité la dot promise : ceci est obligatoire » 194.

Plus généralement, le Livre d'Allah recommande la bienveillance envers les femmes. " Il vous a créé des épouses formées de vous-mêmes, pour que vous habitiez avec elles. Il a établi entre vous l'amour et la compassion. Il y a de ceci des signes pour ceux qui réfléchissent. "195 Si le mari a le droit de battre l'épouse fautive, il doit toujours le faire avec mesure, et, mieux, s'en abstenir. « Qu'aucun d'entre vous ne fustige sa femme comme une esclave, alors qu'à la fin du jour, il copulera peut-être avec elle. » « Seuls les plus mauvais d'entre vous battent leurs femmes. »

Le Coran s'intéresse particulièrement au sort des femmes seules, divorcées ou veuves. Il demande pour celles-ci une participation à l'héritage. Améliorant une situation où la femme n'héritait pas de son mari, « les femmes - dit-il - doivent avoir aussi une portion de ce que laissent leurs pères, mères et leurs proches. Que l'héritage soit considérable ou de peu de valeur, une portion déterminée leur est due. »196

Les hadîth du Prophète précisent et souvent nuancent la loi d'Allah. Ils mettent en valeur « la volupté charnelle » qui, dit AL Ghazali, est « un avant-goût des voluptés réservées (à l'homme) au Paradis ». Toutefois, la femme n'est pas exclue de cette volupté. Déjà, le Prophète avait conseillé à ses fidèles : « Qu'aucun de vous ne se jette sur sa femme comme le font les bêtes, mais qu'il y ait d'abord un messager entre eux ... des baisers et des douces paroles. » 197 Ce n'est pas seulement parce que « l'enfant né d'une union où la femme n'a pas été cajolée sera nécessairement faible d'esprit et ignorant »198. C'est surtout parce que cette harmonie dans le plaisir est reconnaissance de « la puissance du Seigneur », et une manière de « Le louer ».

A l'homme est laissé le soin d'y parvenir : " Vos femmes sont votre champ; cultivez-le de la manière que vous l'entendez "199. Quoi qu'il en soit, « Quand le serviteur de Dieu regarde son épouse et qu'elle le regarde, Allah pose sur eux un regard de miséricorde. Quand l'époux prend la main de l'épouse, et qu'elle lui prend la main, leurs péchés s'en vont par l'interstice de leurs doigts. Quand il cohabite avec elle, les anges les entourent de la terre au zénith. La volupté et le désir ont la beauté des montagnes. » D'une manière générale, « le croyant le plus parfait est celui qui fait preuve du meilleur caractère à l'égard des femmes. »

Le Prophète amoureux des femmes

Comment le Prophète a-t-il lui-même vécu cet enseignement ? On peut dire qu'il a donné à la fois l'exemple de la fidélité, monogame, et de la polygamie. Fidélité car, marié avec Khadija en 595 200, il est resté son époux loyal pendant vingt-cinq ans. Mais, Khadija morte en 620, le Prophète épousa douze femmes pendant les douze années qui lui restaient à vivre.

Son choix ne tint compte ni de la religion, ni de la parenté, ni de l'âge. Ne compte-t-on pas, parmi ces femmes de la dernière heure, deux Juives 201, une copte, Marya, et même l'épouse de Zaïd, son fils adoptif ? N'épousa-t-il pas Nicha alors qu'elle avait six ans, consommant le mariage trois ans plus tard ?

C'est que Mahomet, dit l'histoire - ou la légende - était un homme aux appétits insatiables et aux moyens exceptionnels. Ne raconte-t-on pas qu'il « faisait le tour de ses neuf femmes en une seule nuit »202 ? Selon plusieurs de ses biographes, il « était doué de la puissance de quarante hommes dans le coït. » Ce qui semble sûr, c'est qu'il trouvait les femmes « les plus chères des gens ». Facilement séduit par leur beauté, il ne craignait ni de s'unir aux plus gracieuses des captives, ni de justifier sa fringale par l'intervention propice de la voix d'Allah. Tel fut le cas lorsqu'il voulut épouser Zaynab, la femme de son fils affranchi.

Peut-être est-ce pour cette raison que le Prophète a conçu la jouissance sexuelle ici-bas comme signe du bonheur paradisiaque où les houris seront des anges et où l'érection sera éternelle et l'orgasme durera quatre-vingts ans.

Ses conseils sont frappés au coin du bon sens masculin, au moins autant que de la volonté d'Allah. « Qu'aucun ne frappe sa femme comme une esclave, car à, la fin du jour, il coïtera peut-être avec elle. » Il semble qu'il ait eu deux soucis principaux : garantir à l'homme postérité et volupté; et protéger les veuves et les divorcées afin qu'elles ne tombent pas dans la prostitution ou l'adultère, la pire des abominations.

Mais, quoi qu'il en soit, l'ordre selon Mahomet et le Coran, c'est celui d'une société patriarcale voulue par Dieu. Même si l'homme se doit d'être équitable, voire « affectueux et bon » avec les femmes, celles-ci sont destinées à satisfaire ses besoins sexuels, dans le mariage, éventuellement polygame, et la « jouissance d'esclaves ». Célibat et virginité ne sont ni naturels, ni religieux. De ces principes, par sa conduite, Mahomet est le Prophète.

L'entourage et la suite féminine de Mahomet n'ont pas été non plus sans influence sur l'Islam.

. Aïcha, la femme chérie du Prophète, distinguait, avant Mahomet, quatre types de mariage. Le premier réunissait deux hommes pour une femme afin d'avoir un enfant mâle. C'était l'« union de demande d'engrossement », Istibdà. Le second, plusieurs hommes - généralement neuf - pour une femme. Lorsqu'elle avait accouché, c'était elle qui désignait le père qu'elle voulait. Plus sérieux, le nika al bacil accordait un homme à une femme donnée par le père en échange de la dot. C'est celui qui a été adopté par l'Islam car il garantit la paternité et assure l'appartenance de l'enfant au mari. Le quatrième enfin - al bugha - temporaire, était une sorte de légitimation de la prostitution nécessaire pour épancher les désirs mâles. L'enfant qui naissait de ces rapports était attribué à un père choisi par des physionomistes.
Le Prophète, toujours très pragmatique, n'interdit pas cette pratique de « jouissance » - mut'a -. Il se contenta de la règlementer : « Ne dépassez pas les limites ... Et celles dont vous avez tiré jouissance, donnez-leur leur salaire. »

. Fâtima, la fille aimée, fut tellement affligée par la mort de Mahomet qu'elle ne lui survécut que soixante-quinze jours. Avec une fermeté rare, elle « osa dire "non" à tout Médine en réclamant sa part d'héritage ». Elle est encore honorée au Maroc, particulièrement dans les milieux défavorisés. Les chiites la vénèrent qui l'ont surnommée : « la mère de son père » !

Albert Samuel
Dans "Les femmes et les religions", Les éditions de l'Atelier, 1995

NOTES

180. S 2, 228.
181. S 5,24.
182. S 2, 183.
183. S 3, 1.
184. S 21,91.
185. S 56,22-23.
186. S 4,38.
187. V 23, 37.
188. S 4,3.
189. S 4, 128.
190. V 2, 229.
191. S 2, 226.
192. S 4, 23-24-25.
193. V 2, 229.
194. S 4,38.
195. S 30, 20.
196. Coran 4, 8.
197. Al Ghazali.
198. Zayk Zamik dans « Nasilat al Kafiya ».
199. Coran 2, 223.
200. C'est elle qui avait décidé le mariage.
201. Safiya Bin Hiyay et Rayhana Bin Zayd.
202. Al Bukâri Sahîh III, 188.