A la recherche des femmes oubliées de la Bible Une uvre imposante, en même temps que militante DES FEMMES AUX PRISES AVEC DIEU DES FEMMES MESSAGÈRES DE DIEU DES FEMMES ÉDUCATRICES DE DIEU (à paraître) dIrmtraud Fischer |
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Dabord, saluons lexploit : trois volumes parus en Allemagne sur une dizaine dannées, qui racontent de façon exhaustive toutes les femmes de lAncien Testament. Le premier volume est consacré au Pentateuque, le deuxième le plus épais concerne les Prophètes, et le dernier (en cours de traduction) porte sur la Sagesse. Pour les Prophètes, lauteur suit la classification hébraïque, qui distingue les premiers livres prophétiques (de Josué à 2 Rois) et les prophètes écrivains. On sort impressionné par la masse de la documentation, biblique et extrabiblique, par la subtilité des analyses et les ouvertures sur lactualité.
Dans chaque registre, le nombre de témoins féminins va au-delà des listes habituelles : on retrouve bien sûr Sarah, Rebecca, Rachel, Noémi et Ruth, mais aussi les anonymes de lExode, Deborah, Houlda et, dans la Sagesse, Abigail qui apprit la sagesse sans violence à David le guerrier, ainsi que les nombreuses femmes connues ou inconnues. La présentation des ancêtres dIsraël ( « matriarches » ) est particulièrement riche en suggestions. Lesprit de la recherche est ouvertement militant : lauteur avoue « un parti pris pour les femmes, tant que les femmes nont pas le pouvoir dêtre parties prenantes à parts égales pour configurer la culture, la religion, léconomie et la science» . Les contre-lectures des relations entre Abraham et Sara, puis entre Sara et Agar, nous font découvrir la face cachée des textes. Ainsi, le rire dAbraham devant la promesse dune postérité sur le tard : magnifié dans les lectures rabbiniques, il est décrit ici comme celui dun homme du doute ; celui de Sara, au contraire, au lieu dêtre le rire honteux évoqué par le grand exégète Gunkel, devient ici le rire joyeux de celle qui croit en la vie. Abraham nest pas épargné, décrit un peu rapidement comme lhomme qui a traversé la moindre des adversités aux frais dautrui Attention : ce nest pas un livre facile. Il sinspire largement de la méthode critique, au risque, par les découpages subtils du texte, de perdre ses lecteurs en chemin. Parfois, le parti pris féministe va loin. Ainsi lorsque lauteur imagine que des mains féminines ont pu se glisser parmi les réécritures des textes prophétiques admis par lexégèse. « Il faut donc admettre que les femmes qui ont exercé une activité prophétique furent beaucoup plus nombreuses que les livres des Prophètes veulent nous le faire croire », en conclut-elle. Et lauteur du livre de Ruth pourrait avec de bonnes raisons être « une narratrice ». On sent là le risque, inhérent à toute recherche militante, de trouver ce quau départ on recherche. Lauteur reconnaît dailleurs pratiquer « une herméneutique du soupçon » . En un mot, voici une uvre imposante qui, par-delà son engagement militant, ouvre de larges sentiers le plus souvent inexplorés sur le continent féminin de la Bible. Lauteur, une Autrichienne exégète confirmée, vice-recteur de luniversité de Graz, recherche et obtient souvent une véritable objectivité dans son travail. Elle se présente comme une lectrice porteuse dun féminisme plus familier dans lunivers germanique et américain que dans lexégèse française. ALAIN MARCHADOUR, Extrait du Journal La Croix du 5 mars 2009 |
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